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Qu'est qu'un bastide? qu'est-ce qu'un mas?

Bastide », ce mot sirène que l’on retrouve partout aujourd’hui. Mais qu’est-ce qu’une bastide ? Demandons aux experts. : l’historien Noël Coulet découvre ce mot en Provence au XIIIe siècle, confondu un temps avec « castra » et « turris » qui tous désignent une fortification. Toujours au XIIIe siècle mais dans le Sud-ouest uniquement, ce mot évoque ces « villes neuves » établies par le roi de France dont certains existent encore. L’usage en Provence évolua autrement pour désigner, d’après la spécialiste Nerte Dautier, un « type d’habitat rural qui associe résidence aristocratique ou bourgeoise, exploitation agricole et jardins ».

Elle ajoute que « apparues au début du XVIe siècle, les bastides se multiplient surtout au XVIIe et au XVIIIe siècle, qui voit leur plein épanouissement. Le « phénomène » de la bastide répond en effet à de multiples exigences : placement sûr, au rapport souvent élevé, résidence secondaire, lieu de loisir et de repos, c’est enfin, par le luxe de son décor, le charme de ses jardins, le signe d’appartenance à la caste privilégiée de la fortune ». Dautier en compte des centaines construites au XVIIe et au XVIIIe siècles autour d’Aix en Provence, siège du parlement et de la cour des comptes, puis dans l’arrière-pays marseillais au XIXe. La bastide, c’était aussi « l’hôtel particulier aux champs » explique l’agent immobilier Émile Garcin, grand explorateur du terrain aujourd’hui. En Provence comme en Italie, toute ville s’entoura petit à petit de ces « campagnes » où la noblesse prenait le frais l’été tout en surveillant les travaux de saison. car ces domaines, comme les villas toscanes, doivent leur élégance aux revenus de leurs exploitations agricoles. Plus la prospérité était grande, plus l’architecture suivait les modes de l’époque venues du Sud ou de Versailles. La ville de Grasse, enrichie par ses parfumeurs, porte ses bastides du XVIIIe en chapelet autour de sa colline haute, une pour chaque quartier. C’est celle du quartier Saint Antoine que Jacques Chibois a remis en état, avec son jardin de beaux oliviers anciens en terrasse.

Les « campagnes » de Provence sont modestes comparées aux châteaux du Val de Loire ou de l’Ile de France—en superficie, d’abord, car le droit romain longtemps dominant au Sud attribuait des parts égales des terres à chaque héritier. Et en ostentation, car le domaine fut plutôt lieu de repos et de plaisir que d’orgueil. Au XVIIe, l’intendant de Colbert s’en plaignit amèrement à son maître : « Ils sont tellement abâtardis à leurs bastides, méchants trous de maison qu'ils ont dans leur terroir, qu'ils abandonnent leurs meilleures affaires du monde plutôt que de perdre un divertissement à la bastide !" Balzac, ce grand admirateur de châteaux en Touraine, fut également méprisant : « Cette bastide est une bastide: quatre murailles de cailloux revêtues d'un ciment jaunâtre, couvertes de tuiles creuses d'un beau rouge. Les toits plient sous le poids de cette briqueterie ». Zola pourtant, originaire du pays, se délecta pendant des pages entières en homage à ces domaines. De nos jours, les gens venus du Nord ont changé d’avis et se les arrachent.

Et le « mas » alors ? Ce fut la partie agricole, ou encore une ferme indépendante. Mais la noblesse provençale –comme ses ancêtres romains—ne sépara jamais complètement productivité et beauté. Champs et vergers s’étendirent autour de la bastide, admirés comme autant de parterres à grande échelle. Entre « mas » et « bastide » donc, la distinction parfois s’embrouille. D’autant plus que le paysan provençal fut souvent lui-même riche propriétaire. Ainsi le poète Frédéric Mistral décrit son père comme un « ménager: sorte d’aristocratie qui fait la transition entre paysans et bourgeois ». Mistral raconte encore : « La vieille bastide où je naquis…avait nom le Mas du Juge.»

Pourtant il existe des repères. Le site d’abord : le mas se construit à côté d’un point d’eau dans un creux, la bastide sur une petite hauteur dominant la campagne aux alentours. Celle-ci aura toujours un enduit--rose, doré, ocré--tandis que le mas garde souvent ses pierres apparentes, autrefois signe de pauvreté. La bastide est généralement plus carrée et possède souvent un étage supplémentaire. Sa façade est plus symétrique, ses ouvertures organisées autour d’une porte d’entrée centrale surmontée d’un balcon en fer forgé. Ces harmonies se projettent vers l’esplanade qui la longe, ornée de pots d’Anduze et ombragée par de grands platanes. Un mas aura plutôt une grande treille plantée de vigne et de glycine. Ni parterre ni de statuaire, mais les mêmes buis et lauriers tins taillés plutôt en haies et brise-vents. Ses pierres servent à construire des murailles plutôt que des statues.

Toutes les étapes intermédiaires se retrouvent. En plus, les nouveaux résidents de la région transforment souvent les mas en bastides, ajoutant fontaines et statues, régularisant les façades. Il faut un œil de maître pour éviter les fautes de goût, insiste Bruno Lafourcade, l’un des architectes les plus reputés dans ce domaine. Il faut surtout bien connaître le savoir faire traditionnel pour préserver « cette frugalité sensuelle dont naît l’élégance vraie», que l’historien Victor Papernak décrit admirablement : « Les bâtiments traditionnels, en matériaux du pays, économiquement justes s’accordent avec le climat, la flore, la faune, les modes de vie de l’endroit. Ils n’ont jamais l’air déplacés et se marient à l’environnement plutôt que de s’affirmer comme autant de manifestes de style. »

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